Les dangers du prix Nobel

Alors que l'économiste Ronald Coase, prix Nobel d'économie de l'année 1991, vient de mourir à l'âge de 102 ans [1] et que les hommages à son travail se multiplient sur Internet, je me permets, humblement, de rappeler ce qu'un autre récipiendaire du prix, Friedrich Hayek, déclara à l'occasion de sa remise en 1974 [2]. Deux phrases avaient alors retenu l'attention des spectateurs. Voici la première :
"Yet I must confess that if I had been consulted whether to establish a Nobel Prize in economics, I should have decidedly advised against it."
Comprenez que Hayek était contre l'existence d'un tel prix. Pour se justifier de cette position, il donna deux raisons. La deuxième, surtout dans le contexte actuel de médiatisation des économistes, tant dans la presse écrite qu'à la télévision, est encore d'une rare pertinence :
"[...] It is that the Nobel Prize confers on an individual an authority which in economics no man ought to possess.
This does not matter in the natural sciences. Here the influence exercised by an individual is chiefly an influence on his fellow experts; and they will soon cut him down to size if he exceeds his competence.
But the influence of the economist that mainly matters is an influence over laymen: politicians, journalists, civil servants and the public generally.
There is no reason why a man who has made a distinctive contribution to economic science should be omnicompetent on all problems of society - as the press tends to treat him till in the end he may himself be persuaded to believe."
En substance, Hayek explique que ce prix, par le prestige qu'il dégage, donne à son récipiendaire un ascendant décisif sur "les hommes politiques, les journalistes, les fonctionnaires et le public". Cette influence permet à cet individu d'être entendu sur tous les sujets, y compris ceux pour lesquels il n'a pas forcément les compétences pour trouver et donner une solution. Il devient alors une sorte de prophète, dont les paroles peuvent avoir des conséquences imprévisibles et parfois mener au pire.

Et les exemples de ces hommes sont nombreux. je n'en citerai qu'un seul : Paul Krugman [3]. cet économiste américain prêche aujourd'hui la régulation de l'économie par l'état, alors même qu'il ne fut distingué que pour ses travaux sur les échanges commerciaux. Il ne fait aucun doute que Hayek, aurait dénoncé ce comportement en plus de ces idées. Comme d'autres, Krugman devrait observer les paroles de Hayek et d'urgence prendre la mesure du pouvoir qu'il peut exercer sur la population et du danger que cela peut représenter...

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[1] Nouvelle consultable sur le site Bloomberg.com à ce lien.
[2] L'intégralité du discours de Friedrich Hayek est disponible à ce lien.
[3] Paul Krugman (né en 1953) est professeur à l'université de Princeton dans le New-Jersey. Il a reçu le prix Nobel d'économie en 2008 pour avoir montré "les effets des économies d'échelle sur les modèles du commerce international et la localisation de l'activité économique". auteur de plusieurs livres, il signe aussi une rubrique dans le New York Times.

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